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sortir de l'agriculture industrielle
SORTIR de L'AGRICULTURE INDUSTRIELLE avec ZOOM sur l'ELEVAGE
Quelques réflexions sur les enjeux
A l'heure où le COVID19 nous rappelle qu'il est temps de se concentrer sur l'essentiel, l'agriculture bio et paysanne est sans doute le secteur prioritaire: son rôle nourrir la planète, freiner le réchauffement climatique et restaurer les agro-écosystèmes avec une main d'oeuvre agricole nombreuse, bien formée à l'agro foresterie, science qui repose sur la connaissance de la complexité des agro-écosystèmes, soucieuse et capable d'assurer la souveraineté alimentaire au Nord comme au Sud. Les scientifiques ont démontré que les générations en contact prolongé avec les perturbateurs endocriniens d' in utéro à l'adolescence perdraient 10 ans d'espérance de vie en bonne santé: Alzeimer, Parkinson, cancers se manifesteront chez des êtres de plus en plus jeunes. Dans l'Humanité du 4 juin 2020, V. Shiva annonce qu'un milliard de personnes ont faim. Des Bourguignon à Dufumier, des agronomes proposent de nourrir la planète en faisant revivre les agro-écosystèmes. Des éleveurs ont résisté au rouleau compresseur de l'agro-business pour sauver la biodiversité et une alimentation de qualité, d'autres ont quitté ce système en développant un élevage bio souvent associé à la polyculture fourragère. Cela reste insuffisant, la nécessité de modes de production plus résilients face aux sécheresse ou tempêtes récurrentes, face aux maladies de la malbouffe est urgente...
Une agriculture moderne qui respecte les agro-écosystèmes pour remplacer l'agriculture industrielle devenue pathogène et obsolète
L'agriculture industrielle a émergé lorsqu'on a demandé aux agronomes, dans un souci d'économie d'argent public, de "rentabiliser" leurs recherches en mettant au point quelques variétés à haut potentiel de rendement génétique à l'hectare. Pour cela , il fallait des semences passe partout utilisables de la Bretagne à l'Alsace, du Nord à la Camargue. Les semences locales adaptées au terroir furent sacrifiées et les semences sélectionnées exigèrent l'adaptation de l'environnement à leur production. L'industrie chimique s'en chargea: trop d'insectes ? Des insecticides, trop de mauvaises herbes? Des herbicides, trop de champignons? Des fongicides... les produits en cide (tueurs) se multiplièrent. Des résistances sont apparures et les pesticides sont devenusplus puissants. Leur dégradation génère des produits et des coktails parfois plus toxiques. Les scientifiques dénoncent leurs liens avec les maladies endocriniennes. Les firmes semencières ont imposé que seules pouvaient être vendues les variétés inscrites au catalogue, pour garantir leurs profits, s'opposant à la biodiversité.
Sa finalité : produire beaucoup à pas cher. Résultats: l'augmentation des rendements a produit des excédents subventionnés et vendus aux pays pauvres où ils ont désorganisé les productions vivrières et locales. La fuite en avant dans plus de machines, plus d'engrais, plus d'ha pour plus de rendements et de productivité, plus d'entettements et de moins en moins de paysans. Depuis la fin des années 90, les rendements stagnent, d'autres agricultures: américaine, d'Europe de l'Est produisent plus à moins cher.
Cette agriculture veut se substituer à une vieille agriculture traditionnelle qui a pratiqué une sélection obtenue par les paysans qui depuis des siècles, des millénaires ont choisi pour semences, celles portées par les plus belles plantes, celles qui étaient le mieux adaptées au terroir. Ils ont obtenu des variétés tolérantes de façon empirique. Une multitude de variétés adaptées à une multitude d'environnements. Aujourd'hui, l'agriculture industrielle est condamnée: trop polluante, pathogène, destructrice d'emplois, fragile, mortifère.
L'agriculture bio et paysanne moderne qui émerge redécouvre l'agriculture traditionnelle paysanne et y ajoute les apports de la science au service du vivant. "Les agriculteurs sont les principaux innovateurs de leur propre terroir" M. Dufumier
Le cas de l'élevage breton
L'élevage hors sol promu en Bretagne pour permettre de "vivre et travailler au pays" a connu des dérives qui posent de graves problèmes dans les domaines sanitaire, social et écologique. Que des travailleurs, relégués dans les petits boulots avant le coronavirus, soient contraints à vivre d'aides alimentaires pendant le confinement, dans une région productrice d'excédents agricoles, condamne un système obsolète et toxique.
- sur le plan sanitaire: cet élevage génère malbouffe et maladies: diabète, maladies cardiovasculaires, obésité, cancers... Des scientifiques alertent sur le fait que nos enfants alimentés
aux produits de l'agro industrie et et aux perturbateurs endocriniens perdront dix années d'espérance de vie en bonne santé par rapport à nous.
-sur le plan social cet élevage est touché : les éleveurs des pays riches sont touchés par l'endettement, la faiblesse de leurs revenus, poussés au suicide... Après avoir poussé à l'exode rural, ce mode de production conduit par nos exportations d'excédents bas de gamme à concurrencer l'élevage africain et contribue à nourrir un exode rural vers les bidonvilles, la misère et l'émigration. Dans les pays pauvres, un milliard de paysans réduits à l'agriculture manuelle sont mis en concurrence avec nos agricultures industrielles subventionnées.
-sur le plan écologique,
Les nuisances à l'échelle planétaire se traduisent aussi à l'amont. L'élevage hors sol, dit intensif n'est pas si intensif que ça si on prend en compte le fait que la nourriture fourragère est cultivée dans des pays lointains: l'exemple du soja sud américain sur de vastes surfaces en monoculture avec OGM et roundup. Ces cultures vouées à l'exportation privent les pays de terres nourricières et des pampas et forêts. Le soja principal mis en cause :" Au Brésil, la savane arborée du Cerrado… grignotée peu à peu : c’est un tiers du territoire brésilien qui abrite un grand nombre d’espèces endémiques [qu’on ne trouve que là], Cet écosystème a déjà perdu 50 % de sa surface initiale. » Arnaud Gauffier, responsable agriculture au WWF
... Dans le Gran Chaco la production mondiale de viande entraîne en Argentine et au Paraguay
une déforestation massive, des atteintes à la santé des populations ainsi que des violations des droits- dossier du conteneur au caddie - Forum désintox 2018.
Le soja arrive en Bretagne par les ports de Lorient et Brest puis est redistribué par camions. Ce soja a pour fonction de compléter en protéïnes le maïs, plante tropicale, gourmande en eau pendant la saison chaude et en pesticides. Or, le maïs est une céréale. "Même utilisé comme fourrage ou pire pour alimenter les unités de méthanisation, il donne droit au paysan de toucher une prime à l'hectare cultivé, dans le cadre des aides couplées. L'été dernier, marqué par la sécheresse, a vu la concurrence entre les éleveurs qui voulaient acheter du maïs sur pied pour nourrir leurs bêtes et les sociétés qui en avaient besoin pour alimenter les digesteurs des unités de méthanisation" un éleveur normand. A Lamballe, La Cooperl qui vient de se doter d'un méthaniseur XXL pousse à l'agrandissement d'élevages porcins pour récupérer dans un nouveau bâtiment de raclage, en V, les matières solides des excréments porcins, afin de rentabiliser un méthaniseur qui a coûté 17 millions d'euros. Il ne s'agit plus de nourrir le monde mais de valoriser le capital.
Cette fuite en avant dans le gigantisme est dangereuse. Nombreux sont les scientifiques qui relèvent la responsabilité de cet élevage dans la multiplication des pandémies.
Comment sortir de l'élevage industriel hors sol en assurant une nourriture saine et équilibrée à la population mondiale?
Voici quelques pistes à débattre
Remplacer le soja OGM d'Amérique, le maïs d'Ukraine... par des légumineuses
Cas de la France:
La décennie des années 1980, suite à l’embargo sur le soja décidé par les Américains en 1973*, fut la seule période où les protéines végétales ont connu un développement important. Il y eut, ces années-là, entre 600 000 et 700 000 ha de pois en France, et du soja était cultivé jusque dans la région de Montargis. Les prix des récoltes étaient 4 à 5 fois plus élevés qu’aujourd’hui en monnaie constante."
la solution des légumineuses: Le corps a besoin de protéïnes . Les légumineuses en produisent pour l'alimentation humaine et animale. Elles fournissent aussi l'azote nécessaire à leur synthèse qu'elles puisent dans l'air, évitant les engrais azotés chimiques. Pourquoi à partir de 1993, la production de légumineuses a-t-elle chuté en France?
En 92-93, les accords de Blair House sont négociés dans le cadre du volet agricole de l'Uruguay Round. "Durant la négociation, le Commissaire Européen Mac Sharry s’écarte de son mandat et fait plusieurs concessions importantes en matière d’alimentation animale : il s’agit de limiter la surface communautaire d’oléagineux à 5.482.000 ha pour l’UE à 15 et d’élargir les possibilités pour le corn gluten feed de rentrer sans droit de douane mais, en tant qu’aliment presque complet par l’incorporation de résidu de criblage."
Depuis cette date, le développement de protéines végétales a été stoppé et les surfaces cultivées ont régressé. Les agriculteurs produisent en fonction de la rentabilité des cultures, ce qui exclut aujourd’hui les protéines végétales, avec des effets négatifs sur l’environnement. Le soja importé à bas prix a été préjudiciable aux légumineuses fourragères. En 1959, il y avait 3 Mha de luzerne en France. Aujourd'hui, il en reste 300 000.
Les importations de soja ont constitué le complément protéïnique du maïs qui en manque singulièrement et dont la culture exigeante en eau et en phytosanitaires s'est développée ( voir les pressions des producteurs de maïs pour les barrages hydroliques: Sivens), faut dire que sa culture est intéressante: Les chiffres d’affaires par hectare des principales grandes productions sont actuellement (2019), en France :1600 € en maïs, 1300 € en blé, 1100 € en soja, 1000 € en pois .
D'autres éléments ont contribué à ce recul des légumineuses: la recherche sur les légumineuses a été fortement ralentie après 1992 et suite au développement des agrocarburants, au profit des tourteaux de colza et de tournesol et le maïs est devenu une matière première des méthaniseurs. Une partie des énergies nouvelles a été détournée de sa fonction écologique.
Le système en place appuyé sur des exportations de céréales: le rééquilibrage des cultures en faveur des oléoprotéagineux se ferait aux dépens des exportations de blé. Or, les coopératives françaises ont bien souvent des parts dans les silos portuaires. Il existe un puissant lobbying des exportateurs de blé qui exerce une forte influence. Ces céréaliers sont de grands bénéficiaires de la PAC, encouragés par l'argent public.
Alors que les pouvoirs publics et la société civile sont de plus en plus exigeants vis-à-vis des agriculteurs en matière de résidus de pesticides en France, il est anormal qu’à la fin de l’annexe 1 du règlement 396/2005, définissant les LMR dans tous les aliments, la catégorie « aliments pour animaux » soit vierge. Ainsi, les services de l’État ne font jamais de screening (dépistage) pesticide sur les tourteaux ou les drêches importés. Ce laxieme est particulièrement inquiétant pour nos importations de tourteau de tournesol quand une étude de l’ONU, parue le 3 janvier 2019, affirme que 25 % des pesticides utilisés en Ukraine sont illégaux et, pour le tourteau de soja, quand le Brésil homologue des dizaines de nouvelles molécules. À croire que le libre-échange passe avant la santé publique dans les priorités de l’UE.
Danger!
Les pays de l'Est européen ont hérité d'un système de vastes exploitations des kolkhozes et sovkhozes et les fermes à 1000 vaches n'y sont pas rares.
Les Etats-Unis, l'Argentine disposent de vastes SAU et pratiquent une agriculture très mécanisée moins intensive qu'en Europe: si la productivité (production par actif) y est plus élevéee, les rendements (production par ha) y sont inférieurs. Les structures de production ont 700 ha de moyenne aux États-Unis et 2000 ha en Argentine. Personne ne veut de ferme à 1000 vaches, ni d'exploitation de 1000 hectares en France ou dans l’UE. Continuer à mettre la France en concurrence avec ces pays nous imposera tôt ou tard, leur modèle de production, pour nous battre avec les mêmes armes...La PAC actuelle oblige les agriculteurs européens à cultiver au moins 3 espèces différentes sur leurs fermes. Dans l’Iowa ou l’Illinois il n’y a que 2 cultures : maïs (55 %) et soja (45 %). Nous importons donc du soja américain qui provient d’agriculteurs qui, s’ils étaient européens, seraient sanctionnés dans le cadre du verdissement de la PAC. Pourquoi appliquer moins de contraintes aux produits importés qu'à nos propres paysans?
Avec un plan protéines ambitieux, les agriculteurs se remettraient à cultiver d’eux-mêmes 4 ou 5 cultures différentes, voire plus, avec des conséquences positives sur l’environnement et la biodiversité. Tout agriculteur installé avant les années 1980 se souvient de la diversité de cultures qui s’imposait d’elle-même à l’époque et ce sans contrainte réglementaire particulière.
Derrière cette situation intenable pour les paysans français, se trouve la main invisible du marché qui impose une concurrence qui ignore les conditions de travail, et les conditions environnementales de la production. Seul compte le prix de vente et seuls décident les groupes agroindustriels qui ne conçoivent aucune priorité en dehors des retours sur investissements et imposent les Traités de libre Echange et de protection des investisseurs.
Il faut
-RETIRER L'ELEVAGE, et au-delà, L'AGRICULTURE DU LIBRE ECHANGE et des accords de Blair House! En produisant leurs fourrages, les paysans français, allègent la pression sur la déforestation et sur l'agriculture américaine. En produisant des produits de qualité, ils échappent à la concurrence bas de gamme et ne plument plus la volaille africaine
-Relancer la culture des légumineuses, insérées dans des systèmes de rotation, les rémunérer correctement , relancer la recherche dans ce domaine.
Libérer les éleveurs "conventionnels" de leurs chaînes: l'endettement et les lobbies.
Si certains paysans ou hommes d'affaires trouvent leur compte dans cet élevage industriel, les maladies professionnelles, la faiblesse des revenus, la disparition continue d'exploitations et les suicides traduisent le mal être et le mal vivre de ceux qui pratiquent une activité nourricière. En aval de l'élevage les salariés de l'agro-industrie paient aussi un lourd tribut en santé et en droits. Affaire Triskalia, grève à la Cooperl...
Or propriétaire ou pas, le paysan ne décide plus librement de ses productions:
Ex n°1: l'extension d'un élevage porcin à Hillion, commune bretonne polluée par les algues vertes:"Dans ce vaste bluff [plan d'épandage censé justifier l'extension], au-delà de M. Le Corguillé [éleveur], c’est la COOPERL qu’il faut incriminer. Après tout, il n’a fait que signer là où la Cooperl lui a demandé de signer...
La Cooperl lui achète les porcs, lui vend l’aliment, lui vend des fertilisants, des biocides, des produits vétérinaires et des produits chimiques (cf. p. 3 et 7 du dossier). La Cooperl va lui reprendre 378 tonnes par an d’effluents solides, le fait suivre par un technicien d’élevage, par un fournisseur d’aliments nutritionniste et par un vétérinaire. En un mot, M. Le Corguillé est pour le moins très étroitement lié à la Cooperl, aux termes de divers contrats." Extrait d'une lettre adressée au CM d'Hillion par des adhérentes de HMV
Ex n°2: le scandale des salariés empoisonnés de Triskalia: L'emploi de pesticides interdits ou en surdose a provoqué de graves intoxications répétées. Malades,licenciés, ils ont dû se battre pour faire reconnaître leur maladie professionnelle malgré les pressions de la MSA et les liments pollués ont continué à nourrir le bétail ...
Serge Le Quéau, syndicaliste Solidaires explique dans Caravane n°9 "C'est un secret de Polichinelle: en Bretagne tous les Préfets et le Procureur de la République savent qu’ils sont sur des sièges éjectables et qu’un simple coup de fil peut les faire sauter. La puissance économique, financière et politique du lobby agricole breton, est telle qu’il se comporte comme un Etat dans l’État et impose trop souvent sa loi.
Avec un Chiffre d'Affaires de 2,2 milliards €, 12 000 adhérents, 400 sites, Triskalia est bien le fleuron de ce lobby agro industriel productiviste soudé par des intérêts communs et des participations croisées : Groupama, CMB, C.A, MSA, SBAFER, la FNSEA, dirigée par le milliardaire Xavier Beulin [décédé depuis], omniprésente et qui fournit des hommes qui siègent dans les CA ... proches du pouvoir. Le député le Fur a promu un amendement facilitant l'extension des porcheries industrielles adopté par décret en 2013. Le Drian VRP des patrons, a confié à Olivier Allain ex président de la FDSEA et de la Chambre d’Agriculture des Côtes d’Armor, la vice présidence «de l'agriculture et de l'agro alimentaire » au conseil régional.
Triskalia, conseille les agriculteurs, leur vend engrais, semences, pesticides, alimentation pour le bétail, achète leur production. Elle les tient. Peu osent parler, mais des infos transpirent.
Quand on est paysan en Bretagne, si l’on a besoin de crédit, un problème d’assurance, besoin d’acheter des terres, si l’on doit faire face à un gros problème sanitaire ou de santé, il vaut mieux être dans les petits papiers des représentants du lobby agricole, si l’on veut éviter ou sortir des ennuis, car la pieuvre est partout.
Alors, il en a fallu du courage aux salariés en lutte pour faire reconnaître leurs droits."
Les éleveurs industriels intégrés sont des propriétaires sans droits, pionniers de l'ubérisation. L'aviculture a ouvert la voie: L'éleveur assume les investissements , les risques sanitaires et financiers: les fluctuations des prix. Il reçoit les matières premières: poussins, alimentation et les consignes d'élevage de l'entreprise qui achète le produit semi-fini au prix du marché. Tel un tâcheron, il ne maîtrise ni l'amont, ni l'aval de la production. Il peut "tomber au bon moment" et faire de "bonnes affaires" mais il est souvent pris dans le système de la mise en concurrence et de l'endettement. Le système s'est étendu à l'élevage porcin , bovin... et est devenu mondial : En Thaïlande, après la crise de la grippe aviaire H1N1, les races locales de poulets ont été remplacées par celles génétiquement homogènes issues de la recherche agro-industrielle le traitement de ces épidémies relève du bio contrôle et de la bio surveillance , c'est une réponse contre le vivant , qui ne s'intéresse pas aux causes réelles de l'épidémie et qui va favoriser de nouvelles crises" Serge Morand, écologue de la santé,directeur de recherches au CNRS Humanité Dimanche du 7 au 13 mai 2020 .
Le pouvoir est entre les mains des firmes et des Etats devenus leurs fondés de pouvoir.
Malgré les constats des désastres écologiques, on continue: salons de l'agriculture où les derniers robots, les machines de plus en plus grosses et chères font saliver les éleveurs connectés de demain,
écoles d'agriculture, revues, salons entretiennent le mythe d'une technologie miracle.
Il faut rendre aux éleveurs leur capacité de produire et décider indépendamment des lobbies agricoles. Il faut d'abord les désendetter comme on a désendetté les banques en 2008 , il faut réhabiliter l'agronomie, développer l'enseignement des agro-écosystèmes dans les écoles...
Entre l'élevage industriel sous pression de l'agro business et l'élevage fermier territorialisé, la lutte est inégale.
La coexistence entre les 2 types d'élevage est sans doute possible sur le papier, mais c'est une hypothèse hors sol.
Des éleveurs amoureux du bien vivre et du bien produire en termes de biodiversité, de respect des terroirs concentrent leurs efforts sur une production forcément limitée, et ne cherchent pas à s'agrandir. L'agrobusiness, lui, ne peut assumer la concurrence de ces gêneurs qui par la qualité de leurs produits pointent ses défaillances et il impose à ses éleveurs sous contrat une course à la concentration dont le résultat est une réduction continue du nombre d'exploitations.
Deux logiques s'opposent:
L'une repose sur ceux qui s'acharnent à produire à partir de plants et d'animaux adaptés au terroir, sélectionnés par un savoir faire forgé et transmis au cours de siècles d'observation, en respectant les écosystèmes. Leurs viandes, fromages... ravissent les papilles, gardent leurs qualités nutritives, loin des produits standardisés, aseptisés de l'élevage industriel. Des brebis des prés salés de Normandie ou de la garrigue corse, aux vaches de l'Aubrac, ils s'appliquent à sauvegarder la biodiversité. Certains sont anciens comme les coopératives fromagères du Jura, d'autres se lancent dans l'aventure de l'élevage paysan bio, soutenus par des consommateurs et des organisations. Ils sont les pionniers de la transition écologique et pourtant, leur vie est souvent un parcours d'obstacles.
L'autre s'appuie sur la logique financière et productiviste: produire les bêtes les plus productives sélectionnées et nourries dans des élevages standardisés, robotisés, aseptisés par une nourriture importée et ce pour exporter des produits trop souvent encore bas de gamme. Elle nécessite des infrastructures en bâtiments et logistiques lourdes. Elle exige de plus en plus de capitaux et conduit impitoyablement à l'élimination des moins compétitifs, des actifs agricoles, au suréquipement robotique et informatique, sophistiqué, mais polluant et fragile.
L'élevage débouche sur l'industrie ago-alimentaire (IAA) où les conditions de travail sont dures, et les produits travaillés pour créer des plats aptes à satisfaire des palais peu exigeants, des produits sans grande qualité diététique. Ces aliments transformés à coups de d'ajouts de sucre , graisse, colorants... Ces IAA à la production de plus en plus robotisée exigent des éleveurs des produits standardisés dont la taille et la forme doivent être adaptées aux machines. Exigences qui génèrent malbouffe, maladies et déchets.
L'agro business ne peut tolérer l'agriculture bio paysanne.
Les firmes imposent aux élevages fermiers moins pathogènes des normes rendues nécessaires par la concentration excessive d'animaux dans les élevages industriels. Modes de production, multiplication des dossiers à remplir, contrôles hors sol et tâtillons jusqu'à vérifier la taille du local des bottes. Sanitaires, avec des pressions pour la pasteurisation. Certes les mesures contre les microbes ont raréfié les listérioses, les salmonelloses. Mais les antibiotiques développent des résistances aux antibio. Les pesticides ne seraient pas un danger, mais le fromage au lait cru est menacé!
Serge Morand explique dans ses travaux sur "l'épidémie d'épidémies" comment les maladies infectieuses ont été multipliées par 10 depuis les années1960, au niveau mondial, concernant les humains, le bétail, les plantes et la faune sauvage. De ses études, ressort une corrélation entre la perte de biodiversité, l'explosion du nombre d'animaux d'élevage et les épidémies. Les milieux riches en biodiversité (habitats, agricultures variées, forêts) réduisent la transmission des virus des animaux vertébrés à l'humain et sont plus résilients. La simplification des paysages pour la monoculture et l'essor des terres consacrées à l'élevage industriel (dont les fourrages ) réduit les habitats naturels de la faune sauvage et la biodiversité. Les animaux domestiques servent de passerelles entre les animaux sauvages et l'homme.
Aujourd'hui en France, les éleveurs industriels nombreux à la FNSEA et l'agro industrie ont l'oreille du législateur et bénéficient de soutiens multiformes des pouvoirs publics. Ceux-ci doivent prendre conscience que la "conversion" vers l'élevage et plus généralement l'agricuture paysanne bio est vitale pour préserver la santé des paysans et des consommateurs, le ralentissement du réchauffement climatique, la reconquête de la biodiversité.
Sortir des cultures et de l'élevage industriels, c'est vital! Comment faire?
Des mesures techniques sont possibles et peuvent être mises en place ici et maintenant: "cap sur l'agroécologie" Marc Dufumier
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Dans l'élevage, plus de luzerne c'est moins d'algues vertes. Produire du fumier et pas du lisier. Associer élevage et cultures...
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La photosynthèse transforme l'énergie solaire, abondante et gratuite, en calories alimentaires indispensables aux humains et aux animaux. Elle permet en outre, de s'emparer du CO2 en le fixant sous forme d'hydrates de carbone (sucres, amidon) et en libérant de l'O2! à condition de boire suffisamment! Plus un rayon de soleil ne doit tomber hors d'une plante, plus une goutte d'eau ne doit échapper à l'infiltration et les vents déssechants doivent être contrés par des haies...
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les protéines sont les constituants essentiels pour la fabrication et l'entretien de nos muscles, sang, neurones...; leur synthèse exige de l'azote et est très exigeante en énergie. L'agriculture chimisée a des engrais azotés de synthèse gourmands en énergie fossile ( gaz naturel de Russie...). OR, les légumineuses (haricots secs, pois chiche, fèves, lentilles vesces, trèfle, luzerne...) fixent l'azote de l'air, ressource naturelle inépuisable! et fournissent des protéines en utilisant l'énergie issue de la photosynthèse. Plus! Leurs résidus contribuent à fertiliser le sol en azote pour les autres cultures, d'où son intérêt en assolement et en cultures associées comme le milpa mexicain ( haricot, courge et maïs)... ce qui demande plus de travail, mais la main d'oeuvre existe, non?
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La culture a besoin d'éléments minéraux ( phosphore, potassium, calcium...) présents dans les roches. Les arbres après les avoir puisés par leurs racines peuvent les restituer au sol par les feuilles qui y tombent. Les arbres peuvent aussi apporter l'ombre, la protection contre le vent et les anciens associaient les pommiers aux prairies ou les céréales aux oliveraies.
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La nécessaire prise en compte de la complexité de l'agroécosystème , de l'interdépendance de leurs éléments est soulignée par les agronomes. Maintenir un sol vivant, la flore et la faune en équilibre sont des priorités pour une agriculture respectueuse de l'environnement et même capable de bien nourrir l'humanité et de capturer du CO2.
On sait comment faire! La réalisation est question de volonté politique
Des mesures politiques:
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Sortir l'agriculture du libre échange, forme innovante de pillage des pays pauvres et au-delà : des accords Mercosur, avec le Vietnam, le Canada... C'est nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire au Nord et au Sud. Dans le même temps développer les échanges équitables et permettre aux pays pauvres de protéger leur agriculture.
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Reterritorialiser l'élevage : mettre fin aux subventions des exportations, dénoncer les accords de Blair House et produire des légumineuses en imposant aux coopératives et sociétés des chartes ad hoc; en finir avec la prime au maïs fourrager. Interdire les importations d'intrants qui ne respectent pas les normes imposées à nos paysans. En Bretagne la méthode "Pochon" qui a refusé le hors sol et a mis "le cochon sur la paille et la vache dans le pré" montre que c'est possible écologiquement et économiquement.
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Interdire les agro-carburants et les cultures de maïs destiné à seulement alimenter les unités de méthanisation.
A l'échelle locale, régionale, nationale et européenne, mettre fin aux politiques d'attractivité qui subventionnent de fait l'agro-industrie en Bretagne et réorienter les aides vers le secteur d'élevage paysan bio et plus généralement, vers l'agriculture bio.
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Rémunérer les actions pour service rendu à l'écologie (des aides existent déjà: fauche retardée dans les marais...) reboisement, reconstruction et entretien du bocage, capture de CO2...
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Pratiquer une politique des prix plutôt qu'une politique des subventions. Favoriser les cultures de légumineuses par une politique des prix garantis (?) aux produits bio et locaux. Arrêter les aides aux élevages industriels et à l'agrobusiness. Garantir des revenus aux éleveurs bio. qui souvent transforment leurs productions et pratiquent la vente directe.
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Désendetter les paysans : des sommes faramineuses et non contrôlées sont allouées à des secteurs polluants, il est vital de les consacrer à un secteur capable de reconstituer les agro-écosystèmes et d'employer une main d'oeuvre nombreuse et utile.
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Réorienter l'argent de la PAC, ne plus distribuer les aides par ha, ce qui profite aux plus grosses exploitations, mais par actif. Prioriser l'agriculture paysanne bio.
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Redévelopper l'association cultures- élevage. Des céréales en Bretagne et du bétail en Beauce. Ce type d'élevage écologique demande plus de main d'oeuvre et moins de matériel de pointe XXL. Limiter par la loi la taille des élevages et des exploitations.
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Se pose la question de la propriété : quid d'une appropriation sociale, municipale ... des exploitations agricoles (terres, bâtiments, gros matériel: les CUMA existent déjà) très endettées qui pourraient être mises à disposition des producteurs (salariés? Locataires?...) pendant le temps de leur activité professionnelle? Terre de liens apporte une solution originale et vertueuse.
La même question se pose pour les nouveaux agriculteurs à la recherche de terres. A débattre mais une réforme agraire peut être pertinente!
Mettre fin au "landgrabbing" achat de terres du Sud par des sociétés Nord et/ou des Etats émergents.
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La restauration collective peut assurer des débouchés à condition d'assurer des prix stables, rémunérateurs et une lisibilité à long terme. Ecoles, hôpitaux, Ehpad, restaurants administratifs ... Cela suppose que soit mis un terme à la politique de l'offre qui priorise les aides publiques au privé et par là à tout le secteur agro-industriel.
Rome, dès 2001 a imposé des produits bios et de proximité à ses cantines scolaires: 10 ans plus tard une filière bio s'est développée autour de la ville, devenue la capitale européenne la mieux approvisionnée en produits bio à bon marché.
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Promouvoir l'agriculture bio locale c'est aussi former à l'agriculture bio dans les écoles agricoles, former plus d'agronomes, donner aux paysans les moyens de se libérer des pressions de l'agrobusiness, mettre en place des normes écologiques contrôlées par un personnel indépendant assez nombreux.
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Assurer la certification gratuitement et par un organisme public!!!
Le poids des consommateurs-citoyens: le consommateur joue un rôle important. Malgré une propagande mensongère proportionelle aux moyens mis au service de la publicité, l'opinion publique prend conscience des enjeux sanitaires et écologiques de l'agriculture. La pandémie covid 19 a été l'occasion de renouer avec la production locale et la cuisine!
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Acheter bio et local , c'est assurer un revenu aux paysans bio, c'est aussi retrouver une alimentation saine et goûteuse et le plaisir d'échanger. Est-ce réservé aux plus aisés? Certes c'est sensiblement plus cher à l'achat . Mais les plats préparés sont-ils moins chers? Avec un beau poulet acheté sur le marché 18-20€, je fais 10 à 12 belles parts. Cuit au four à basse température, accompagné de pommes de terre, d'une salade , c'est un beau plat et le poulet est mangé du cou au croupion , y compris foie et gésier, donc pas de perte ! Cela signifie qu'il faut aller sur le marché et faire la cuisine! Donc, il faut du temps, d'où l'intérêt de réduire le temps de travail pour tous! Tout est lié Ça tombe bien, on produit trop d'objets inutiles et polluants. Enfin arrêtons de dire que la cuisine est une tâche subalterne et féminine. Chez nous les hommes cuisinent aussi bien et aussi souvent que les femmes et les enfants aussi! Aussi les repas sont des moments de plaisir partagé.
Si le bio peut sembler plus cher, pour le consommateur, la qualité nutritive est meilleure, et dans les aliments de l'agro-business n'entre pas le surcoût (dépollution, maladies...) payé par le contribuable et la Sécurité sociale. La solution n'est-elle pas de donner à chacun les moyens de vivre correctement, donc de se nourrir sainement?
La Confédération paysanne et les organisations qui ont signé avec elle un appel pour le jour d'après proposent une sécurité sociale alimentaire.
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AMAP, Voisins de paniers... se sont organisés pour regrouper les consommateurs et les producteurs en circuits courts et permettre de la lisibilité aux paysans.
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La consommation de produits alimentaires se fait majoritairement dans les supermarchés et leurs magasins infiltrés dans les quartiers. Tout est fait pour faire acheter en quantité et à bas prix dans une ambiance hors sol et hors saison. De beaux produits colorés. La vigilance ne suffit pas à guider le consommateur vers la connaissance de ces produits. Les teneurs en sucre, en matières grasses , en produits de synthèse, en pesticides ou antibiotiques n'apparaissent pas ou très discrètement. L'origine géographique de la viande est obligatoire, mais pas celle des produits à base de viande! L'autocontrôle par l'IAA est à remplacer par des contrôles indépendants.
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Exiger de l'éthique sur l'étiquette est une nécessité . Les centrales d'achat devraient être soumises aussi à ces règles éthiques.Il faut leur imposer, aux centrales d'achat, de respecter à travers les produits les hommes (producteurs et consommateurs) et l'écologie.
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L'action des consommateurs-citoyens doit être soutenue par l'action politique.
Voilà quelques réflexions !
On voit bien que le sujet n'est pas épuisé : il manque, entre autres, les chiffres sur la population active et les entreprises concernées et toutes les questions concernant les modes de reconversion et ce qui m'a échappé. On ne pourra pas envoyer à la casse tous les robots de traite
Ça passe par quelques questions ; comment garantir la sécurité de revenus pendant la reconversion ?Comment organiser la concertation avec les salariés, paysans... pour une redistribution des exploitations trop étendues : certains éleveurs possédant quelques dizaines d'ha «cèdent quelques ha à de jeunes maraîchers ».
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Danièle Mauduit, juin 2020
Sources :
Sapporta Isabelle : "Le livre noir de l'agriculture" – "Foutez-nous la paix"
"Face aux pandémies, démondialiser l'agriculture" : une interview de Serge Morand -Humanité Dimanche 7 mai 2020
Marc Dufumier "Famine au Sud, Malbouffe au Nord"
conférence du 17 mars 2017 à l'ESA Ecole Supérieure d'Agriculture d'Angers
https://www.youtube.com/watch?v=wJJyDa9PwlQ
Vandana Shiva "le terrorisme alimentaire : comment les multinationales affament le Tiers Monde"
Jacques Caplat "l'agriculture biologique pour nourrir l'humanité"
Aurélie Trouvé "le business est dans le pré"
Marie Monique Robin :" le monde selon Monsanto" – "notre poison quotidien" + films
Fabrice Nicolino "un empoisonnement universel"
Ines Léraud -Pierre van Hove "Algues vertes- l'histoire interdite"
Yannick Ogor "le paysan impossible – récit de luttes"
Xavier Noulhianne "le ménage des champs"
André Ollivro "les marées vertes tuent aussi"
Discussions avec des éleveurs
Textes de la Confédération Payanne
Contribution de France Grandes Cultures: stratÉgie nationale pour les protÉines végétales
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