Mardi 26 mai 2015, mobilisation des grands jours à Gémenos (13) chez les Fralib, pardon les SCOP-TI comme on doit les appeler dorénavant. Un an, jour pour jour, après la signature du protocole d’accord avec Unilever, les nouveaux sociétaires de la coopérative dévoilaient à la presse, et aux nombreux amis qui les ont soutenu tout au long de leur lutte, la nouvelle marque sous laquelle, ils allaient commercialiser leur production. 13H30, Gérard Cazorla, le nouveau président du Conseil d’administration, annonce que la marque sera dévoilée à 13h36 précise. Et devinez pourquoi ? 1336 jours de lutte, la marque s’appellera donc 1336 !
Les coopérateurs de SCOP-TI
En réalité il y aura deux marques. 1336 sera la marque destinée à la grande distribution et déclinée en 16 parfums de thés et d’infusions, dont une infusion pomme-olive comme pour rappeler les anciennes usines normande et provençale de l’ancienne Fralib aujourd’hui fermées. Décidément, on aime les symboles chez les SCOP-TI ! Un packaging soigné avec un slogan « Eveille les consciences, réveillent les papilles » qui résume la philosophie du produit. Un packaging qui nous ramène à l’essentiel : des produits de qualité ayant définitivement rompu avec les parfums de synthèse – doux euphémisme pour parler de produits chimiques – qu’Unilever avait introduit il y a maintenant près de quinze ans. Un texte sur le packaging qui explique la signification de ces 1336 jours de lutte et le pourquoi de cette gamme. « Nous voulons que SCOP-TI soit synonyme de qualité tout en étant accessible au plus grand nombre » explique clairement Gérard Cazorla. La deuxième gamme s’appellera tout simplement SCOP-TI, du nom de l’entreprise. Dans celle-ci, exclusivement des produits certifiés bio et commercialisés dans les filières alternatives telles que des supermarchés bio ou des associations de consommateurs de type AMAP. 9 produits ont été présentés dans cette gamme dont le conditionnement se fera en sachets mousseline.
La gamme 1336La gamme SCOP-TI
Le choix des fournisseurs en dit long sur la rupture opérée avec ce qui se pratiquait antérieurement. Des accords ont été passés avec le syndicat du tilleul des Baronnies (Drôme) et Herbier du Diois, un groupement régional de producteurs. « Nous essayons de nous fournir en local dès que cela est possible, explique Gérard Cazorla, malheureusement la verveine, par exemple, a disparue de France. » Pour les thés, SCOP-TI a choisi de développer une démarche de coopération avec des producteurs qu’ils connaissent comme en témoigne le récent voyage d’Olivier Leberquier, ancien délégué syndical CGT, au Vietnam.
Tout salarié sait qu’un conflit est usant tant l’incertitude et les enjeux sont grands. On imagine sans peine les vicissitudes personnelles qu’ont connu les Fralib avec pas loin de quatre ans de conflit et occupation d’usine. Ce mardi, l’ambiance était clairement à la détente et à la convivialité lors de cette présentation. Tous les esprits sont désormais tournés vers le futur avec la présentation de ces gammes. Les anciens salariés de Fralib qui ont souhaité participer à la coopérative sont embauchés au fur et à mesure de la fin de leurs indemnités de chômage. « On a signé les contrats de travail de 11 personnes la semaine dernière, 7 de plus ce matin et il y en aura d’autres prochainement » explique Xavier Imbernon, un des nouveaux salariés sociétaires. A quel niveau de salaire ? Les coopérateurs devant jouer la prudence, il a été jugé bon de les réduire par rapport à l’époque d’Unilever, sachant que tout résultat supplémentaire engrangé par la SCOP reviendra aux salariés. « On a éliminé ce qui coûte le plus, l’actionnaire proclame Olivier Leberquier. Nous avons plus de marge au niveau économique pour rentabiliser l’entreprise. » Il a été décidé par les salariés en Assemblée générale de ne plus retenir que trois niveaux de salaires avec une différence de seulement 30 % entre le plus haut et le plus bas. Il semblerait que le premier niveau soit aux environs de 1500 euros nets. « On a adopté un niveau de salaire suffisant pour pouvoir vivre » résume Gérard Cazorla.
Mais pour payer ces salaires, quel chiffre d’affaires et quelles marges peut-on espérer ? Les coopérateurs ne cachent pas que des négociations sont en cours pour réaliser du travail à façon pour des marques de distributeurs (MDD). A côté de cela, l’entreprise s’est associée à quatre commerciaux indépendants pour lancer les deux gammes de la coopérative afin de lui apporter son indépendance à long terme. Thomas Blanchard, 10 ans de présence chez Nestlé et une bonne expérience de vente en GSA (Grande surface alimentaire) ne cache pas les raisons qui l’ont amené à travailler avec SCOP-TI : « Je travaille dans un esprit de patriotisme économique. Je refuse que l’on accepte la fatalité de la désindustrialisation. Nous avons des outils de production en état de marche qui doivent servir. » Il nous indique que des pourparlers sont en cours avec de grandes enseignes de la distribution pour la gamme 1336. « Notre objectif est de réaliser 200 tonnes en 2016 avec un part de marché de 3 %. » Objectif ambitieux mais à la hauteur de ce que réclament désormais les consommateurs : des produits de qualité avec une transparence totale sur les filières d’approvisionnement. N’est-ce pas ce que met aujourd’hui en pratique SCOP-TI ?
Christian Affagard
Dans la lutte, une association de soutien, Force et bon thé, s’était créée. Avec le lancement de la coopérative, cette association aura tout son rôle à jouer pour aider au rayonnement de SCOP-TI, souscrire au capital de la coopérative – l’association est le 58e membre de celle-ci – et d’être un lieu de rencontre privilégié avec les citoyens. Christian Affagard, ancien délégué de la CFE-CGC, aujourd’hui à la retraite, s’est proposé de devenir son président. Une association qu’il faut rejoindre massivement, d’autant que la cotisation ne s’élève qu’à 13,36 euros. Cela ne s’invente pas !
Ce sera donc dans les prochains mois que tout se jouera pour SCOP-TI. Une première étape de constitution de la coopérative, de définition des produits est désormais réalisée. Les machines vont recommencer à tourner tout l’été de façon à « être présent dans les rayons à l’automne, période propice pour recommencer à s’abreuver de boissons chaudes » comme l’indiquait Olivier Leberquier. Une autre façon de concevoir la production est en train de se construire sur les ruines que nous laissent les financiers : une production utile et à finalité sociale et écologique. Comme le rappelait Olivier, « Cette lutte, on l’a faite pour pouvoir vivre et faire vivre nos familles ; on ne rêve pas d’être milliardaires. » Souhaitons leur bonne chance et gageons que demain, dans les bars, le serveur nous demandera spontanément : une 1664 ou un 1336 ?
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