"Vos déclarations d’intention sur la transition écologique et la prise en compte des aspects environnementaux et sanitaires sur ce dossier nous ont surpris.
En 2019, alors vice-président au développement économique de l’Agglomération, vous aviez voté, Monsieur le Maire, pour l’autorisation de programme d’aménagement de l’avant-port (4e quai et terre-plein) avec 1,2 M€ crédités pour les études de maîtrise d’œuvre, et 15 M€ programmés sur 4 ans pour les opérations de travaux. Le Budget Primitif 2019 du SMGL avait d’ailleurs été adopté à l’unanimité (Comité syndical du 22 mars 2019).
Pourtant, vous auriez dû savoir que les études d’impact réalisées en 2016 avaient fait l’objet d’avis défavorables de l’Ifremer, du Conseil Scientifique de la réserve naturelle de la Baie ou encore de l’Agence Régionale de Santé.
Certes des études complémentaires ont été réalisées fin 2018, mais les mesures compensatoires étaient encore examinées en 2019 et les nombreuses réserves qui subsistaient auraient dû vous alerter.
L’orientation même de ce projet est un non-sens et nous regrettons que vous ayez pu la soutenir.
Nous saluons en revanche la mobilisation des habitant.e.s de Saint-Brieuc et de Plérin et les associations qui se sont mobilisées contre ce projet et pour la reconquête de leur territoire de vie.
La pétition de l’association « Sauvons la baie de Saint-Brieuc » – que nous vous avions invité à signer lors du Conseil municipal du 29 juin – a récolté plus de 2 000 signatures. Vous vous étiez d’ailleurs alors engagé à organiser un débat public sur la protection de la Baie, considérant l’ensemble des problématiques. Qu’en est-il ?
Nous pensons que la remise en question du projet de 4e Quai, si elle est un progrès, ne va pas assez loin, telle que vous l’appréhendez.
Vous nous demandez d’émettre le vœu que le SMGL réexamine le projet de développement en lien avec vous et le Maire de Saint-Brieuc. Vous faites le vœu que ce projet concilie le respect de la préservation de l’écosystème du fond de la Baie et les différents usages du port : commerce, plaisance, réparation navale et usages urbains. Mais vous ne soulignez pas les usages sportifs et touristiques pourtant promus par le Département et l’Agglomération à grand renfort de campagne de communication : l’ambition nautique, une magnifique baie à 2 heures 15 de Paris...
Vous ne mentionnez pas non plus les usagers, privés de l’accès à certaines plages et autres sites de l’estuaire car des gaz toxiques mortels s'échappent des vasières et des algues vertes y prolifèrent, algues vertes dont nos collectivités doivent prendre en charge le ramassage et le traitement lorsque c’est possible.
Vous nous demandez d’émettre le vœu que les études – permettant d’aborder, durablement et dans la transparence, la question du dragage des sables portuaires dans une perspective globale de tous les usages du port et dans le respect de l’écosystème de la Baie – soient engagées rapidement. Mais le môle existant provoque déjà l’envasement et le coût du dragage, du stockage et du traitement des vases est un puits sans fond...
Alors comment se fait-il que les études que vous appelez de votre vœu n’aient pas déjà été conduites alors que les associations environnementales alertaient déjà sur ce risque dans les années 80 ?
Vous omettez aussi de préciser à quel développement économique vous faites référence ?
• 70 % du trafic du port de commerce est lié à la réception de marchandises.
• L’étude d’impact de 2016 faisait mention d’une progression de 14 % du volume de transit entre 2013 et 2014, trafic en grande partie dû à l’alimentation animale (+ 30 %) et aux engrais (+ 25 %) importés par l’agro-industrie (Triskalia, Le Gouessant...).
• En 2018, 249 694 tonnes ont transité par le port. En 2019, ce sont 283 847 tonnes de marchandises qui sont passées par le Légué, soit une hausse de 13,68 %. C’est toujours l’agroalimentaire qui porte cette augmentation avec une hausse des volumes de l’ordre de 35,5 %.
• Parmi les engrais importés, nous soulignons le trafic (limité à 2 000 tonnes par cargaison) d’ammonitrates qui fait courir des risques irréversibles à de nombreux.ses habitant.e.s dans un rayon de plus d’1 km autour de leur lieu de stockage (limité à 24 heures, ce risque est inscrit au DICRIM / risque létal env. 600 mètres).
Au-delà de leur dangerosité, nous ne pouvons ignorer que ces importations soutiennent un modèle d’agriculture industriel délétère pour les agriculteurs eux même et néfaste pour notre environnement (pollution des eaux, algues vertes...).
Vous vous inquiétez de l’accroissement du trafic routier alors qu’il génère déjà un flux de 70 poids lourds/jour.
Ne pensez-vous pas que l’urgence climatique, déclarée par des communes voisines de la nôtre et que vous seriez bien inspiré d’imiter, justifie une autre vision pour notre territoire ?
En 2016, l’étude d’impact soulignait déjà les conséquences du changement climatique en Bretagne avec l’allongement des périodes d’étiage et la montée du niveau de la mer entrainant érosion des côtes et inondations lors d’évènements extrêmes dont la fréquence augmente. En 2020, une étude conduite par des étudiants de Sciences Po Rennes et reprise et étayée par des climatologues reconnus (Jean Jouzel, Franck Baraer) dans un web série par France 3 Bretagne insiste : l’évaporation des eaux de surfaces, associée à une hausse des besoins, va entrainer une diminution de nos réserves d’eau potable alors que 60 % de nos cours d’eau sont en mauvais état écologique et chimique.
Certains, comme Thierry Burlot, baissent déjà les bras : « dépolluer la totalité des rivières bretonnes avant 2027, comme l’impose la directive-cadre européenne sur l’eau, sera impossible. À l’échelle de la Bretagne, on n’y arrivera pas, on part de trop bas ».
Combien de millions d’euros ont déjà été investis et combien vont l’être pour soutenir un modèle de développement contradictoire avec la transition écologique que vous dites vouloir engager ?
C’est un autre modèle de développement que nous souhaitons soutenir et le vœu que vous formulez ne nous semble ni assez précis, ni assez ambitieux, c’est pourquoi nous nous abstiendrons de le voter".
Nous pensons que l’investissement de 15 millions d’euros devrait être clairement réorienté vers la restauration de l’estuaire du Gouet et de la pointe de Cesson, le développement des activités de pleine nature et de tourisme, le maintien des activités de réparation navale, de plaisance et de pêche, et l’accompagnement à la relocalisation et à la transition des activités économiques aujourd’hui dépendantes des marchandises réceptionnées au port... Tout ceci mériterait le débat auquel vous vous étiez engagé en juin dernier."